Après une décennie d'atermoiements, j'ai décidé de faire œuvre et d'écrire un livre. J'ai envie de vous faire part de mes impressions au fil de l'eau, alors abonnez-vous et suivez mon périple !
où je m'emmitoufle dans un gros livre plutôt qu'en finir un petit.
Parfois, il faut regarder comment va le ciel et tâcher de lui ressembler.
J’ai commencé dernièrement un gros, grand livre. 2666 de Roberto Bolaño. C’est une somme de plus de mille trois cents pages, un cétacé qui traînait dans ma bibliothèque depuis que je l’avais ramassé dans la boîte à livres en bas de chez moi. Lorsqu’on tient dans sa main l’objet lourd de pages, on pèse le temps que l’on va devoir perdre. S’attaquer à des livres pareils demande autre chose que du courage : une forme d’idiotie. En fait, le mot est mauvais. Ce n’est pas le lecteur qui s’attaque aux livres à mille pages, mais l’inverse. Il faut se laisser prendre, faire la planche au milieu de l’océan. J’ai en tête l’image du bois flotté qui ne coule pas mais devient beau et blanc en se gorgeant de sel avant de terminer inexorablement au soleil, sur une plage. J’ai en tête aussi l’image des édredons gonflés de plumes de canard, dans le nuage desquels on se perd et l’on a chaud en hiver.
C’est un très bon livre. Je l’ai commencé un matin et j’y flotte depuis quelques centaines de pages. Il n’y a pas beaucoup de formules voyantes, les phrases ne cherchent pas à se démarquer les unes des autres ; leur succession donne cependant de la consistance à la vie qu’elle révèle, comme le débit d’un cours d’eau qui s’épaissit un lendemain d’orage. Lorsque je pars de chez moi et que je laisse le trop gros livre sur mon bureau, les personnages me manquent. C’est curieux : j’espère qu’ils vont bien. C’est un très bon livre.
Bolaño devant son champ d'expertise.
Bolaño raconte les histoires d’une façon simple, mais elles sont aussi vraies que les rêves le matin. Il n’est pas contemplatif. Ce sont beaucoup d’actions qui toutes portent un petit sens. Voici un petit paragraphe choisi au hasard pour que vous ayez un aperçu de la finesse et de la simplicité :
Espinoza se souvint alors qu’au cours de la soirée passée l’un des jeunes gens leur avait raconté l’histoire des femmes assassinées. Il se souvenait seulement que le jeune homme avait dit qu’il y en avait plus de deux cents et qu’il avait dû le répéter deux ou trois fois, parce que ni lui ni Pelletier ne pouvaient en croire leurs oreilles. Ne pas croire, cependant, pensa Espinoza, est une manière d’exagérer. Quelqu’un voit quelque chose de magnifique et n’en croit pas ses yeux. On vous raconte quelque chose sur… la beauté naturelle de l’Islande, des gens qui se baignent dans les eaux thermales, entre les geysers, en réalité vous l’avez déjà vu sur des photographies, mais de toute façon vous dites que vous ne pouvez pas le croire… Bien que évidemment vous le croyiez… Exagérer est une manière d’admirer poliment…Vous permettez à votre interlocuteur de dire : C’est vrai… Et alors vous dites : C’est incroyable. D’abord vous ne pouvez pas le croire et ensuite vous trouvez ça incroyable.
J’aimerais essayer de raconter une histoire de cette façon moi aussi, car je crois qu’on avance mieux dans la littérature lorsqu’on suit quelqu’un (les génies morts sont à ce titre les meilleurs phares parce qu’ils n’attendent plus rien de vous). Ce qui m’en empêche, c’est surtout l’impression que ce serait parler pour ne rien dire. Il y a déjà tant de livres, tant d’histoires. C’est impossible de ne pas se décourager de temps en temps, surtout lorsqu’un maître nous renvoie franchement à notre condition d’élève.
En parlant de ça, je me suis rendu compte que ça faisait un moment que je ne vous ai pas tenus au courant des progrès de mon livre. Il a avancé puis s’est arrêté. Il me reste deux choses à écrire pour le terminer : une soirée qui dégénère, puis le séjour à la campagne où le héros se rafistole. Cela doit faire un mois que j’attends pour entreprendre ces deux dernières séquences. Elles me pèsent dans le ventre. Je crois que j’ai peur de le finir, ce livre. J’ai peur qu’il soit mauvais, peur qu’il me déplaise. J’ai peur de le relire et de m’en vouloir d’avoir bousculé ma vie pour ça. Au fond, je crains comme un cauchemar qu’il ne soit pas nécessaire. Alors je reporte sine die l’écriture de la fête de mon héros et celle de son repos. Je ne relis même pas ce que j’ai déjà écrit. J’ai l’impression de cacher un cadavre dans un placard chez moi, et de me convaincre qu’il n’y a pas d’odeur.
Que feriez-vous à ma place ?
Tue, 29 Oct 2024 23:53:57 GMT
À ta place, j'ouvrirai les fenêtres pour aérer un bon coup.
Solal Maman
Je viens du Périgord où mon papy était chef des chasseurs, mes cheveux bouclent, je me promène souvent dans Paris et j'adore la Ricoré.
Tue, 29 Oct 2024 23:53:57 GMT
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