Où je m'immisce dans les hourras des autres.
Ils se sont embrassés et il a fait chaud.
C’était tout à l’heure, à la terrasse d’un bar de mon quartier. Elle avait des traits de merle et des cheveux noirs et raides que sa jovialité gonflait d’un air grandiose. Sa veste en daim couvrait des seins bouillonnants de jeunesse. Ses cheveux poivre et sel à lui grouillaient de santé, il était beau comme on est beau quand on se fout d’être vieux. Ils parlaient de quelqu’un qui détestait les flics et riaient énormément - de lui et des flics. Leurs genoux se frottaient. Après ma bière, le patron leur a servi des Ricard généreux et c’est au moment où lui cherchait des cigarettes qu’elle a dû lui dire quelque chose avec les yeux. Un “Feu !”. Il a cessé de fouiller ses poches et lui est tombé dessus. Bouches fondues l’une à l’autre, elle lui a passé des doigts éperdus dans la nuque. Le soleil de fin du jour m’a réchauffé d’un coup. Ca a un peu duré, j’avais envie de leur dire que ça y est, c’était le printemps. Qu’ils étaient le printemps.
Mais j’ai vite rangé l’idée. A quoi bon dire à la beauté qu’elle est belle ? C’est comme parler à sa bougie : ça l’éteint. Ils se sont desserrés l’un de l’autre. Il va faire un tour aux toilettes, non sans se pencher d’abord pour l’embrasser encore une fois. De retour, il lui prend la jambe et la pose sur les siennes pour lui caresser le mollet. Elle ne fait que rire et le regarder parler. Ils sont tout seuls, rien n’existe et je ne suis qu’une poussière qui flotte dans un reflet de vitrail. Ils sont partis peu après, sans que je ne leur parle ; je n’ai pas eu le temps de leur offrir le Ricard.
C’était fugace comme les aumônes, les rayons de soleil où l’on ferme les yeux, les premières gorgées de bière, les poèmes et les éclats de rire. C’était furtif comme toutes les vraies victoires. Il y a des gens qui savent s’aimer. Ils donnent l’exemple.
Il a fait froid ensuite, mais l’été nous fond dessus. Profitez tous bien de Pâques et à très bientôt.
Solal