La première !

Où je lance ma newsletter et vous parle du titre que j'ai choisi pour cette newsletter, des titres que j'ai envisagés par ailleurs, du mot aristoloche que je trouve rigolo et de cette gencive qui me lance depuis quelques jours.

Galère heureuse.
4 min ⋅ 10/10/2023

Salut salut,

Me voici. Je lance ma newsletter. Grand moment pour le Solal.
Pour faire vite, je l’imaginais remplir trois missions :

D’abord, me délester de certaines réflexions qui ne manqueront pas de naître alors que je commence enfin la rédaction de mon premier livre. D'ailleurs, je préfère ne pas vous promettre de rythme quelconque : j’en enverrai une de temps en temps, mais c’est tout.

Ensuite, vous divertir. N’ayant pour l’instant pas la moindre idée de la teneur du livre que j’entreprends et auquel vous n’aurez accès que dans des plombes, je préfère ouvrir cet espace plus décontracté - d’aucuns diraient relax - où ma plume s’échinera à vous faire sourire de temps en temps.

Enfin, garder le contact avec vous. Ecrire est un métier solitaire (de ce qu’on m’a dit) et je me connais assez pour savoir les effets néfastes qu’une solitude prolongée provoque en moi. Ainsi, cette lettre me permettra de satisfaire en partie ce plaisir de l’échange humain qui est le mien : à ce titre, je vous prie de répondre si l’une des lettres vous interpelle. Pas besoin de milliers de mots, un simple message Whatsapp ou un MP sur les réseaux suffira et vous me rendrez très heureux !


Voilà, passons désormais au titre. Galère heureuse.
En quelques mots, ce titre fait référence à un livre extraordinaire que je vous conseille d’acheter et de lire si la littérature vous intéresse : Le roi vient quand il veut, de Pierre Michon (dit “Le Divin Chauve”). Ce bouquin recense plusieurs longs entretiens de ce cher Pierre au cours desquels il explique à des journalistes (généralement sidérés) son rapport à la littérature, à la langue, aux livres bref, à tout un tas de trucs qu’il semble avoir compris comme personne.
Dans ce fatras surgit ce passage :

  • Dans Maîtres et Serviteurs, vous prêtez à Goya ces mots : “Non, ce qui est sérieux, ce qu’est peindre, c’est travailler comme sur la mer un galérien rame dans la fureur et l’impuissance…” Après vous demandez au galérien de signer la mer comme si elle était sortie de sa rame, d’être heureux, mais sans rien créer, en ne faisant que brasser…”

  • Oui, la peinture ou la littérature sont cette interminable, cette épuisante relance du monde, qui sans cesse retombe.

  • C’est la galère ?

  • C’est la galère. Mais la mer est belle.

Outre leur beauté, ces quelques mots brillent par l’étendue de ce qu’ils comportent. C’est Sisyphe, et davantage. Le mystère de la mer n’est pas le supplice de la roche : Archimède nous apprend que rien n’a de poids sur l’eau, sinon le mouvement qu’on lui arrache. Et dans ce geste du bras contre l’abysse, l’eau qu’on boit, l’eau qu’on sue et l’eau qu’on chevauche nous enivrent. Les vagues vont et viennent - ebb and flow disent les Anglais qui ne connaissent que l’océan - et nous sommes dessus, à les apprendre.

Je pourrais parler des heures de ces huit mots, mais je préfère ne pas. Parlons plutôt des autres titres envisagés, si ça vous dit. Les voici.

  • Moi aussi j’écris Paludes : dans un roman aussi court qu’oubliable, Gide faisait tournoyer dans le tout-Paris du début du XX° un personnage plutôt falot qui, dès qu’on lui demandait ce qu’il faisait, disait “J’écris Paludes”. Pour être franc, je n’ai qu’un souvenir très lointain de ce livre - et je ne saurai le défendre bien longtemps - mais cette réplique me plaît beaucoup. Je lui trouve un certain cachet idiot, j’y vois l’aplomb d’un soldat simplet qui part au front sans trop savoir ce qui l’y attend. Comme moi, en somme. Le hic, c’est que j’aurais peut-être poussé certains d’entre vous à lire Paludes, alors que c’est moi qu’il faut lire. Ou Pierre Michon, à la rigueur.

  • Glossolalie : “Langage personnel inventé par certains malades mentaux ou dans un but ludique.”
    Celui-là, je suis heureux de ne pas vous l’avoir fait subir. J’ai découvert ce mot dans un livre de Romain Gary où un personnage déverse un babil incompréhensible : impavide, le héros lui répond sans ciller dans une langue absurde lui aussi (une glossolalie, donc), donnant lieu à un obscur dialogue où les mots s’effacent au profit des intentions, des intonations. Sans doute le plus pompeux de tous les titres envisagés, d’autant que la faveur particulière que j’accorde à ce mot dans mon univers lexical tient à ce que mon prénom s’y trouve. Narcissisme, quand tu nous tiens…

  • Peu à peu : pas besoin de définition Larousse pour celui-là. L’idée était à la fois de souligner le caractère difficultueux de l’exercice d’écriture littéraire où je me lance et d’évoquer le rythme de la newsletter qui en chroniquerait l’avancée. Seulement, pour des raisons philosophiques que je vous épargne (le SEO), j’ai préféré m’en passer.


Sans transition : se souvient-on du mot aristoloche ? C’est Gide, dans un entretien radiophonique, qui me l’a rappelé en citant la phrase suivante qui lui plaisait beaucoup : “Chemin bordé d’aristoloches”. J’aime les mots qui comme celui-là vous rappellent que la langue est très large, luxuriante et qu’elle n’attend de nous qu’un peu de curiosité pour dévoiler ses joyaux. Une aristoloche est une plante grimpante qui recouvre impeccablement les surfaces qu’elle prend d’assaut. Sa fleur ressemble à une grande coupelle violacée, tachetée ; j’imagine aisément boire un peu de thé dedans. Une horticultrice la désigne comme une “liane volubile”. Tout ceci est adorable.


Pour finir, je vais vous dire deux mots de ma gencive qui me fait un mal de chien depuis quelques jours. Depuis l’enfance, je voue une animosité particulière aux dentistes. Plus précisément, depuis le jour où l’un d’entre eux - un stagiaire visiblement fan de pointillisme - m’a planté sa seringue une bonne demi-douzaine de fois dans la mâchoire par peur de n’avoir pas bien visé. A sa décharge, j’imagine qu’au bout du troisième coup d’aiguille les flots de sang devaient quelque peu le gêner. Bref, ma gencive me fait mal depuis quelques jours et cette douleur m’inquiète. Déjà, elle me rappelle à mon corps : je ne suis certes pas vieux mais l’âge avance et ces douleurs épisodiques sont autant de bornes qui jalonnent un chemin dont nous savons tous où il mène. De plus, la douleur dentaire présente cette particularité qu’elle accapare la vie de son homme : elle se réveille à toute heure, jette un cri dans sa bouche et s’en va. Aléatoire, elle est omniprésente. Enfin, il suffit souvent d’un simple rendez-vous chez un praticien pour s’en débarrasser.
Pour moi, la douleur dentaire partage ces quelques traits avec la volonté de création littéraire. Toute ma vie, j’ai été traversé par ces éclairs d’envie qui m’emplissaient totalement puis qui disparaissaient durant des mois. J’avais une faim de mots que je rassasiais, puis je m’arrêtais là. Ces épisodes étaient plaisants mais ne donnaient lieu qu’à des textes disparates dont je ne saurais que faire.
Je compte désormais changer la donne et me rendre “chez le praticien”. J’espère prendre les douleurs par surprise, ne plus les attendre pour noircir mes cahiers. Je vais faire en sorte de ne pas me laisser glisser vers la mort mais d’y aller d’un pas convaincu, heureux des jours vécus. Mes amis m’entourent, le ciel est bleu, j’ai bientôt 29 ans et j’ouvre enfin ce chapitre qui me pétrifie.

Je vais écrire un livre.

Galère heureuse.

Par Solal Maman

Je viens du Périgord et du Maroc, j’adore le foie gras, j’aime écrire et lézarder en terrasse à Paris.

Un livre va me venir bientôt. En attendant, je vous propose de découvrir ma plume avec ces textes mensuels.

Bacio !